Premier voyage dans un pays en guerre. Après un mois de préparation, j’embarque dans un avion avec quelques tours dans la manche et un peu d’appréhension. Pendant deux semaines, nous allons donner des spectacles en Pologne et en l’Ukraine avec les Magician Without Border.
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À Cracovie, je retrouve Tom et Carlos avec qui nous faisons un petit tour de ville. Tom, comme à son habitude, sympathise avec toutes les personnes qu’il rencontre et va jusqu’à inviter notre chauffeur Uber à lui rendre visite dans le Maine. La ville est remplie d’Ukrainiens ayant fui leur pays, beaucoup ont trouvé du travail local ou s’impliquent dans la récolte de fonds pour des associations.
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Le centre-ville possède un jolie aspect médiéval, imprégné de légendes. On raconte qu’un dragon y aurait été terrassé, et que la ville aurait été érigée pour empêcher la créature de renaître de ses cendres. Sa dent pétrifiée est aujourd’hui exposée à côté d’une statue de dragon qui crache du feu toutes les cinq minutes.

Dès le deuxième jour, nous nous rendons dans des camps de réfugiés ukrainiens. L’un d’eux est installé dans un ancien palace, un lieu chargé d’histoire qui contraste avec la situation des résidents. J’ai très peur de ne pas être à la hauteur durant les spectacles, car la magie pour enfants demande d’être constamment en interaction avec eux, ce qui est compliqué lorsque ces derniers ne parlent presque pas anglais et avec si peu d’accessoires. Heureusement, l’alchimie finit par opérer. Nous alternons numéros de jonglage et de prestidigitation, et les rires des enfants dissipent rapidement mes doutes. A la fin d’un de mes tours, une petite fille hurle même « I LOVE YOU HARRY POTTER !! ».
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Après cinq jours de spectacles dans des lieux culturels, des écoles spécialisées et des camps de réfugiés, nous montons dans un bus en direction de l’Ukraine. Le passage de la frontière prend plus de temps que prévu : les douaniers, n’ayant jamais vu de Colombien auparavant, interrogent longuement Carlos sur ses intentions et fouillent minutieusement ses affaires.

A Lviv, l’ambiance est presque festive avec l’arrivée de l’été. La ville, épargnée par les attaques, regorge d’activités culturelles insolites, comme une mine de café ou un restaurant masochiste. En plus de nos prestations quotidiennes, nous animons des ateliers de magie pour des enfants. C’est durant ces sessions que je découvre ma première alerte à la bombe, lorsqu’une alarme se met à retentir dans toute la ville. Les enfants, habitués à l’entendre quotidiennement, nous entraînent calmement dans le sous-sol de leur établissement où nous patienterons jusqu’à la fin de l’alerte. Heureusement, quelques tours de magie suffisent à égayer ce moment.
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Par une coïncidence incroyable, l’un de nos contacts local est non seulement médecin, mais aussi champion du monde de traction d’objets lourds... avec ses dents. Il a récemment intégré une troupe de cirque et nous invite à sa première représentation, qui fait forte sensation.
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Je profite aussi de ce voyage pour faire à Tom une demande importante : l’autorisation de créer ma propre filière des Magician without borders en France, afin de développer leur réseau international et de pouvoir œuvrer sur une plus large échelle. A ma grande joie, Tom accepte sans hésitation.
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C’est la fin de l’aventure pour Carlos et Tom, qui doivent revenir chez eux. De mon côté j’ai été invité à intervenir dans une école à Kiev. Le stress monte à l’idée de continuer sans mes confrères. Là-bas, je suis attendu pour donner des spectacles dans un amphithéâtre pouvant accueillir jusqu’à 300 enfants. Autrement dit, performer avec trois fois moins de magiciens et de moyens pour devant trois fois plus de spectateurs.
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Bien que Kiev ait été sévèrement bombardée, la ville a été si soigneusement reconstruite qu’on pourrait croire qu’il ne s’est rien passé. Ce n’est qu’en flânant longuement qu’on peut remarquer des détails inhabituels : des monuments protégés par des toiles, des sacs de sable obstruant les fenêtres du rez-de-chaussée, l’absence d’hommes dans les rues… et bien sûr, l’alarme à la bombe qui retentit en moyenne une fois par jour, sans oublier les fréquentes coupures d’électricité.
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Les enfants de l’école, avertis de mon arrivée, avaient pour devoir d’anglais de préparer des exposés pour me faire découvrir leur ville. Les spectacles furent au final un grand succès, si bien que j’avais l’impression d’être une rock star d’école primaire : les enfants me suivent partout dans les couloirs, réclament des autographes et des photos, et m’offrent tous les petits cadeaux qu’ils ont sous la main. L’engouement est tel que deux membres du personnel sont désignés pour me protéger pendant la cantine, afin que je puisse manger tranquillement.
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Après des dernières représentations dans un hôpital pédiatrique, il est temps de rentrer chez moi. J’avais appris à mes dépends qu’aucun vol n’était autorisé depuis l’Ukraine. Je prends donc un dernier détour pour rejoindre la Moldavie, où se trouve l’aéroport le plus proche. Sa capitale n’est peut-être pas la plus belle ville d’Europe, mais elle possède son charme et abrite la plus petite statue du monde : celle du Petit Prince, cachée dans un parc, qui mesure seulement 11cm.
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